Malgré le développement significatif des technologies dans le domaine de la robotique industrielle et de l’émergence des robots pour les tâches ménagères, peu de progrès ont été effectivement réalisés dans le domaine des orthèses et prothèses qui sont quotidiennement proposées aux patients souffrant de paralysies diverses ou ayant subi une amputation de membres. Ce projet de recherche vise à réaliser un système innovant de commande d’orthèse (c’est-à-dire de prothèse robotisée) intégrant les capacités cérébrales humaines, ou plus précisément les signaux électroencéphalographiques.
Dans le domaine de l’assistance aux personnes souffrant de handicaps moteurs, des prothèses électromyographiques (EMG), c’est-à-dire basées sur l’utilisation de signaux électriques produits par l’activité des muscles, existent depuis longtemps sur le marché. Elles utilisent le plus souvent des signaux en feedback basés sur le mouvement lui-même et sont donc par nature correctrices mais non anticipatrices de l’action. De plus, ces signaux de régulation en feedback entraînent le plus souvent des oscillations perturbatrices du mouvement. Enfin, les signaux EMG sont utilisés de façon rudimentaire et le plus souvent le patient doit reconfigurer les ordres moteurs selon les principes de fonctionnement de la prothèse.
Motivé par les développements récents des technologies BCI (Brained Computer Interface : interface cerveau-machine) qui veulent intégrer les capacités cérébrbles humaines au sein de machines, le projet FEDER « Plateforme de biomanufacturing » a pour objectif de faire l’étude et le développement d’une orthèse commandée par signaux électroencéphalographiques (EEG) plutôt qu’EMG. L’utilisation d’ordres issus directement du cerveau permettra d’utiliser les signaux d’initialisation du mouvement lui-même capté au niveau du cuir chevelu et d’être donc capable de contrôler en avance les paramètres des mouvements induits de la prothèse ou de l’orthèse.
Ce projet se caractérise par une grande complémentarité scientifique, technique et industrielle. Des compétences en neurophysiologie, micro-électronique, mécanique et rapid manufacturing sont ainsi mobilisées. L’innovation technologique sera présente à chaque étape du processus allant de la captation des signaux cérébraux, du décodage, de la transmission, du contrôle, de la motorisation, de l’énergie, de l’adaptation et du confort des nouvelles prothèses.
Dans le projet, l’utilisation d’un réseau de neurones artificiels, c’est-à-dire de systèmes d’entrées-sorties à structure interne plus ou moins complexe et capables d’apprendre grâce à une période d’entraînement, devrait permettre aux patients de commander la prothèse ou l’orthèse de façon naturelle.
Le rôle du CETIC dans ce projet est d’étudier et de réaliser une plateforme embarquée de commande d’orthèse basée sur l’exploitation des signaux électroencéphalographiques (EEG) en utilisant des protocoles de communication sans fil compatibles (au point de vue impact sur la santé) avec le corps humain et permettant un débit de données suffisant. L’accent est notamment mis par le CETIC sur les aspects d’autonomie (faible consommation énergétique) et de portabilité (par un être humain) de cette plateforme.
La contribution du CETIC porte plus précisément sur les deux points suivants :
1) l’implémentation sur carte électronique d’un réseau de neurones artificiels, de type DRNN (Dynamic Recurrent Neural Network), développé par les partenaires académiques du projet ;
2) le développement du réseau sans fil basse puissance de transmission des données et commandes entre les différentes parties du système (casque EEG, réseau de neurones, plateforme de commande, orthèse).
Les champs d’applications de cette recherche sont multiples.
Toutes les nouvelles procédures de captation, de traitement et de contrôle des signaux électriques d’origine cérébrale peuvent contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des personnes souffrant d’handicaps moteurs ou neurosensoriels divers. Outre la conception d’orthèses intelligentes, d’autres applications sont possibles telles que la conduite commandée, par le cerveau, de chaises roulantes.
De plus, étant donné que ce projet s’insère dans le domaine des interfaces cerveau-machine, les champs d’applications futures peuvent être plus larges et intéresser l’homme normal. Une interprétation en ligne des signaux cérébraux pourrait par exemple être d’un intérêt majeur dans le domaine de la sécurité autoroutière. Des applications sont également possibles dans le domaine des commandes à distance, de la télémanipulation (contrôle de robots, de machines), …
Le CETIC pourra aussi exploiter l’expérience qu’il a acquise dans l’implémentation de réseaux de neurones et dans la conception de systèmes de communication sans fil portables et à faible consommation pour offrir de nouveaux services à des PME wallonnes.
Beaucoup de chercheurs s’accordent sur l’idée que ce siècle sera celui qui intégrera les capacités cérébrales humaines au sein des machines.
Le projet « Plateforme de biomanufacturing » permet au CETIC de participer à ce mouvement en lui offrant la possibilité d’y développer ses compétences en développement de systèmes embarqués.
Valéry RAMON